• La mystique comme objet de recherche

Mystique et figures mystiques

~ séminaire de recherche de l'IRSE et du CERPHI

Mystique et figures mystiques

Archives de Catégorie: Portraits

Hildegarde de Bingen

04 jeudi Fév 2021

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Moyen-Age, mystique, spiritualité

Passeport

Hildegarde de Bingen naît en 1098 à Bemersheim, en Rhénanie dans une famille aristocrate. A huit ans, elle est confiée au monastère bénédictin de Disibodenburg. Elle y reçoit une éducation intellectuelle et religieuse. En 1136, elle est élue abbesse et se retrouve à la tête de la communauté. Elle connaît une vie spirituelle riche, faite de visions, mais n’en parle pas dans la première moitié de sa vie. En 1141 elle met ses visions par écrit (Scivias). Comme elle n’a pas d’autorité en tant que femme, elle obtient l’appui de Bernard de Clairvaux. En 1149, elle quitte Disibodenburg pour construire son propre monastère à Rupertsberg, près de Bingen. Elle meurt le 17 septembre 1179, laissant une œuvre considérable : ouvrages spirituels, encyclopédies, musique, etc. Elle sera proclamée Docteur de l’Église le 7 octobre 2012 par le pape Benoît XVI. 


Miniatur aus dem Rupertsberger Codex des Liber Scivias

Ses grands engagements

En tant que femme, elle se confronte à un enjeu majeur : comment faire entendre sa parole en public ? Lorsqu’elle commence à écrire, à 43 ans, c’est pour elle un acte libérateur qui lui permet d’explorer de nouvelles voies spirituelles. Bernard de Clairvaux l’autorise à écrire pour parler de sa vie spirituelle. Elle est érudite, pourtant dans ses écrits, elle souligne toujours sa faiblesse de femme. Elle transgresse ainsi les frontières que l’époque impose aux femmes, pour garder sa liberté d’expression dans un système patriarcal : son savoir ne vient pas d’elle, mais de Dieu. Cette prétendue ignorance est la clé de voûte de sa vocation apostolique. Hildegarde n’est pas la caricature d’une mystique perdue dans ses extases. Elle fait preuve d’une grande créativité spirituelle et intellectuelle.

Sa modernité et son originalité

Elle va s’émanciper de l’autorité religieuse et monastique en bouleversant de manière originale les rapports de genre de l’époque : sa liberté relative la pousse à fonder son propre monastère. Dans ses écrits, elle ne fait pas seulement le récit de ses visions, elle en donne aussi une interprétation théologique et artistique ; c’est une sorte de théologie en images. Elle s’exprime sur la beauté de la femme, en justifiant théologiquement de la beauté féminine. Sa modernité réside encore dans son approche médicale et holistique du corps. Elle dépasse le cadre d’une approche spirituelle, ne séparant jamais le corps de l’esprit.

Liber divinorum operum, Codex latinus 1942(vers 1230), Lucques, Bibliothèque d’Etat (vision 4, fol. 38).

Les grands axes de sa pensée

Dans son expérience de Dieu, la musique, la lumière et les images sont entrelacées. Ses visions ne sont pas synonymes d’extase, mais une analyse de sa propre vie spirituelle. Elles ne sont pas uniquement le produit de son imagination, elles sont ancrées dans les Écritures. Hildegarde montre l’importance du rapport entre la foi et la raison : pour elle, la raison permet de comprendre la liberté de chacun, notamment quand il s’agit de répondre librement à l’appel de Dieu. Elle porte un intérêt particulier pour la création : « la création est le vêtement de la sagesse. » Elle parle de viriditas [ce qui est vert] comme d’une énergie qui parcourt la création et qui n’est pas statique, car on y trouve une vitalité toujours en lien avec le Créateur.

À méditer…pour illustrer sa pensée

« Je vis de l’air éclatant, dans lequel j’entendis, au-dessus de toutes les images que j’ai évoquées, toute sorte de musiques merveilleuses, et ce concert, comme la voix d’une multitude, s’organisant en harmonie de louanges sur les degrés du ciel. » (Vision XIII, Scivias)

« Le créateur est lui aussi lié à sa création, lorsqu’il fait don de la fraîcheur verdoyante et de la force féconde de vie. (…) C’est pourquoi la création, dans l’intimité de son amour, peut s’adresser à son créateur comme à un bien-aimé. (…) L’être humain représente l’idéal de la création et il est plénitude de toute création. Au plus profond de son âme, il réclame le baiser de son Dieu. » (Livre des œuvres)

Pour aller plus loin

Hildegarde de Bingen, Scivias. « Sache les voies » ou Livre des visions, Paris, Cerf, 1996.

Hildegarde de Bingen, Le livre des œuvres divines, Paris, Albin Michel, 2011.

Hildegarde de Bingen, Lettres, Grenoble, Jérôme Millon, 2007.

© Florence Hostettler, 2020

Portrait de Madame Guyon

09 lundi Juil 2018

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Mme Guyon, Mysticism, mystique, Religion, theology, XVIIe siècle

Jeanne_Marie_Bouvier_de_la_Motte_Guyon_GallicaMadame Guyon

Le pur amour et la quiétude

(Ghislain Waterlot)

Madame Guyon naît en 1648 et meurt en 1717. Mariée très tôt, elle est inquiète dans sa foi et la rencontre d’Archange Enguerrand lui ouvre les voies de l’intériorité spirituelle. Commence alors une expérience mystique d’une rare profondeur qui la conduit, veuve encore jeune, à un apostolat intense et à l’écriture d’œuvres mystiques majeures. Rencontrant Fénelon en 1688, elle fréquente Saint-Cyr et la cour de Versailles. Mais les entretiens d’Issy (1694) mettent en cause la doctrine du pur amour et Madame Guyon est bientôt emprisonnée 7 ans, sur lettre de cachet. Elle finit ses jours à Blois, entourée de disciples protestants. Lire la suite →

La vision de Dieu d’après Nicolas de Cues

18 lundi Jan 2016

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Moyen-Age, Nicolas de Cues, philosophie

Nicolas de CuesVéritable synthèse entre spéculation métaphysique et mystique médiévale d’inspiration néoplatonicienne, entre science et théologie, la pensée de Nicolas de Cues (1401-1464) était de grande hardiesse et ouvrait de nouvelles perspectives anthropologiques et cosmologiques. Nous vous proposons deux extraits tirés du traité Le Tableau ou la Vision de Dieu (De visione Dei sive de icona, 1453) où le Cusain revient sur la célèbre théorie de la coïncidence des contraires, illustrée en 1440 dans le De docta ignorantia.

sun-622740_1920« Qu’est-ce voir, pour toi, Seigneur, quand tu me regardes avec l’œil de la bienveillance, sinon être vu par moi ? En me voyant, tu te donnes à voir à moi, toi qui es le Dieu caché. Personne ne peut te voir tant que tu ne te donnes pas à voir. Et tu n’es vu que lorsque tu vois celui qui te voit. Je vois dans cette image de toi que tu te penches, Seigneur, pour montrer ta face à tous ceux qui te cherchent. Car jamais tu ne fermes les yeux, jamais tu ne les tournes ailleurs et, même si je me détourne de toi Lire la suite →

Un article et une conférence sur Jacob Böhme

01 mardi Déc 2015

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Jacob Boehme, Mariel Mazzocco, mystique protestante, spiritualité, théosophie

boehmeNous vous signalons un portrait de Jacob Böhme (1575-1624) paru dans La Vie Protestante (numéro du mois de novembre 2015), dans la rubrique Une figure spirituelle pour aujourd’hui, ainsi qu’un article consacré au thème de l’espace spirituel dans la pensée du « cordonnier mystique » de Görlitz, à découvrir dans le prochain numéro de la Revue de l’histoire des religions (n° 2016/1).

Nous vous invitons également à découvrir une conférence sur le théosophe allemand qui a eu lieu à l’Université de Genève le 22 octobre 2015, dans le cadre du colloque international de théologie « Game over – bonne ou mauvaise nouvelle ? L’eschatologie en question ». Cette conférence de Mariel Mazzocco vise à présenter la pensée eschatologique de Jacob Böhme  en menant une analyse de ses écrits mystiques. Pour écouter la conférence, cliquez ici.

 

La béguine Marguerite Porete

30 dimanche Août 2015

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Béguine, Marguerite Porete, Moyen-Age

Gérard David

Le baptême du Christ (détail). Auteur: Gérard David (m. 1523)

Née probablement à Valenciennes vers 1250, Marguerite Porete fut condamnée pour hérésie et brûlée vive en place de Grève à Paris le 1 er juin 1310. Nous vous proposons ici quelque extraits tirés du Miroir des âmes simples et anéanties, véritable chef-d’œuvre de la littérature mystique médiévale :

La parfaite liberté ne connaît pas de  « pourquoi » (Le miroir des âmes simples et anéanties)

« Maintenant, Raison, écoutez, pour mieux comprendre ce que vous avez demandé ! Celui qui brûle n’a pas froid, et celui qui se noie n’a pas soif. Or cette âme est si brûlante en la fournaise du feu d’amour, qu’elle est devenue feu, à proprement parler, si bien qu’elle ne sent pas le feu, puisqu’elle est feu en elle –même par la force d’Amour qui l’a transformée en feu d’amour ». (ch. 25)

L’âme : « Oui, très doux Amour pur et divin, quelle douce transformation que d’être transformée en ce que j’aime mieux que moi-même ! Et je suis si transformée que j’en ai perdu mon nom pour aimer, moi qui puis si peu aimer : c’est en Amour que je suis transformée, car je n’aime personne d’autre qu’Amour » (ch. 28)

3103536084_9c99bdd309L’âme : « Oui, Amour, la sagesse de ce qui est dit m’a réduite à rien, et ce seul néant m’a plongée en un abîme plus insondable que ce qui est moins que rien. Et la connaissance de mon néant m’a donné le tout, et le néant de ce tout m’a enlevé oraison et prière, et je ne prie plus pour rien.

Je me repose en paix complètement, seule, réduite à rien, toute à la courtoisie de la seule bonté de Dieu, sans qu’un seul vouloir me fasse bouger, quelle qu’en soit la richesse. L’accomplissement de mon œuvre, c’est de toujours ne rien vouloir. Car pour autant que je ne veux rien, je suis seule en lui, sans moi, et toute libérée ; alors qu’en voulant quelque chose, je suis avec moi, et je perds ainsi ma liberté. Et si je ne veux rien, si j’ai tout perdu hors de mon vouloir, il ne me manque rien : libre est ma conduite, et je ne veux rien de personne » (ch. 51).

« Elle ne savait pas, lorsqu’elle le cherchait, que Dieu est tout entier partout ; sinon elle ne l’aurait pas cherché » (ch. 93).

(Marguerite Porete, Le miroir des âmes simples et anéanties, éd. et trad. fr. de Max Huot de Longchamp, Albin Michel, Paris, 1997).

[n.d.r : Nous tenons à rappeler que l’identification de Marguerite Porete comme auteur du Miroir est une découverte historiographique assez récente qui remonte à 1946, grâce à l’historienne italienne Romana Guarnieri (1913-2003) ]

La poésie mystique de Claude Hopil

27 jeudi Août 2015

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Claude Hopil, poésie mystique

2699979305_dcc57a4cd6 Nous vous proposons quelques strophes tirées des Divins élancements d’amour composés par Claude Hopil et parus pour la première fois en 1629. On ne connaît presque rien de la vie de ce poète mystique du XVIIe siècle, en dehors du fait qu’il se revendique « Parisien » sur la page de titre de l’un de ses ouvrages et qu’il est probablement né vers 1580 et décédé après 1633. Très marqué par l’influence de Denys l’Aréopagite, dont le corpus avait été traduit en français par Goulu en 1608 et 1629, Claude Hopil participe activement au renouveau du langage mystique du XVIIe siècle.

Parmi ses ouvrages nous rappelons en particulier les Œuvres chrétiennes avec un mélange de poésie (1603) et Les Douces extases de l’âme spirituelle (1627). Mais laissons la parole à ce « poète de l’ombre et de la lumière », comme le définissait Jean Rousset, et lisons ces cantiques :

Dites, qu’est-ce que Dieu ? Je ne saurais le dire,

J’en pense quelque chose, et je ne sais que c’est,

N’étant ce que j’estime, il est celui qui est,

Je puis (non ce qu’il est, mais ce qu’il n’est, écrire)

Non, je n’en pense rien en ce terrestre lieu :

Car en lui tout est Dieu

(Cantique II,1)

***

2232565420_4c34ec37e3Etant dans le cachot de mon néant couché

Je cherche ce grand Dieu que j’ai longtemps cherché

Sans avoir connaissance

De son être excellent ; afin de l’entrevoir

Il ne faut le chercher par esprit et savoir

Mais par simple ignorance

(XXXVIII, 1) Lire la suite →

Mectilde de Bar

06 lundi Juil 2015

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Biographie, Mectilde de Bar, spiritualité

Catherine de Bar, Mère Mectilde du Saint Sacrement (1614-1698)

Catherine de Bar, Mère Mectilde du Saint Sacrement (1614-1698)

Catherine de Bar naît à Saint-Dié (Vosges) le 31 décembre 1614. Ayant manifesté dès sa plus tendre enfance le désir de se consacrer à Dieu, à l’âge de 17 ans elle entre au Monastère des Annonciades de Bruyères, ordre lié à la spiritualité franciscaine, où elle émet ses vœux en 1633. La même année, la guerre des Trente ans touche la Lorraine. Les premières années de la vie religieuse de Catherine de Bar seront ainsi marquées par la violence, la famine et les pestilences. Nommée supérieure, elle fuit avec ses religieuses l’entrée des Français en Lorraine ; après quatre ans d’exode, elle trouve refuge au monastère des bénédictines de Rambervilliers, où elle fait profession comme bénédictine le 11 juillet 1640. Chassée à nouveau par la guerre, à partir d’août 1641 elle est accueillie à Paris, à l’abbaye de Montmartre. L’année suivante, Catherine de Bar, devenue en religion Mère Mectilde du Saint-Sacrement,  quitte Montmartre pour aller à Caen, où elle arrive avec deux de ses religieuses le 14 août 1642. C’est en Normandie qu’elle rencontre Jean de Bernières-Louvigny, avec qui elle se lie d’une profonde amitié spirituelle. Elle a ainsi l’occasion d’entrer en contact avec le cercle mystique normand de l’Ermitage de Caen et de faire la connaissance de quelques grandes figures du Siècle d’or de la spiritualité française, tels Jean Eudes, Marie des Vallées et Jean-Chrysostome de Saint-Lô.

Anne d'Autriche à la fondation de l'Institut du Saint Sacrement de Mère Mectilde

Anne d’Autriche à la fondation de l’Institut du Saint Sacrement de Mère Mectilde (auteur : Philippe de Champaigne, 2e moitié 17e siècle)

En août 1643 elle reconstitue sa communauté près de Paris à Saint-Maur-des-Fossés ; après avoir été nommée prieure du monastère du Bonsecours à Caen le 21 juin 1647, trois ans plus tard, en août 1650, elle retourne a Rambervilliers. L’année suivante, en mars 1651, on la retrouve en pleine Fronde a Paris où elle rejoint ses sœurs de Saint-Maur réfugiées rue du Bac. C’est ici qu’elle mûrit le dessein de fonder Lire la suite →

Jean-Jacques Olier

03 vendredi Juil 2015

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Jean-Jacques Olier, mystique, Saint-Sulpice

OlierJean-Jacques Olier naît à Paris le 20 septembre 1608 dans une illustre famille de la haute magistrature, qui habite le quartier du Marais. Après avoir  brillamment suivi le cursus des études philosophiques dans le prestigieux collège d’Harcourt, en 1627 il entre en Sorbonne pour étudier la théologie. En février 1629, lors de la foire de Saint-Germain, sortant d’une taverne avec deux compagnons, Olier est arrêté dans la rue par la femme d’un marchand de vin du quartier, la mystique Marie Rousseau, qui lui reproche sa vanité et sa vie mondaine. Par la suite Olier reconnaîtra être redevable à cette femme de sa « première conversion ». Désormais bachelier en théologie, en 1630 il décide de se rendre à Rome pour étudier la langue hébraïque. Tombé malade et craignant de perdre l’usage de la vue, il entreprend le pèlerinage à Notre-Dame de Lorette, où il est soudainement guéri et connaît « le coup le plus puissant de sa conversion ». Retourné à Paris en 1631, se sentant appelé à la prédication populaire il abandonne ses études malgré l’avis défavorable de sa famille. Ayant pris Vincent de Paul comme directeur spirituel, il s’oriente vers le clergé séculier et le 21 mai 1633 il est ordonné prêtre.  Soucieux de se faire actif artisain du renouveau du christianisme, à partir de l’année suivante il entreprend divers missions apostoliques dans les campagnes françaises. En 1639, après avoir refusé une deuxième nomination épiscopale, il tombe dans une profonde crise spirituelle et psychologique qui durera jusqu’en 1641. Une fois son enthousiasme retrouvé, en décembre 1641 il décide de fonder avec ses deux fidèles compagnons, François de Caulet et Jean du Ferrier, un séminaire à Vaugirard, alors à l’extérieur de Paris. C’est dans ce climat qu’en juin 1642 un événement inattendu Lire la suite →

Etty Hillesum

29 lundi Juin 2015

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Biographie, Etty Hillesum, mystique

Etty Hillesum est née aux Pays-Bas en 1914, dans une famille juive non pratiquante. Elle étudie le droit et les langues slaves à Amsterdam. En 1941, elle rencontre Julius Spier, un psychochirologue, élève de Jung, dont elle devient la patiente, la secrétaire et l’amie de cœur. Elle tient un journal intime, qui, avec une série de lettres, est le seul écrit que l’on ait d’elle. En 1942-1943, elle fait plusieurs séjours au camp de transit de Westerbork, puis elle est déportée à Auschwitz où elle meurt le 30 novembre 1943. Etty-Hillesum

Alors que ses proches insistent pour qu’elle entre dans la clandestinité et se cache, elle refuse toute tentative d’échapper à une situation de plus en plus menaçante. Elle veut, dit-elle, « partager le sort de son peuple » et part volontairement pour le camp de Westerbork où elle aide les gens avant leur déportation. En dépit des circonstances tragiques, elle affirme sa reconnaissance à Dieu pour une vie belle et pleine de sens et son acceptation de tout ce qui peut arriver. À la haine qui l’entoure, elle prétend répondre par l’amour, un amour qui trouve pour elle sa source dans la confiance qu’elle a en Dieu.

Son journal retrace son cheminement existentiel et spirituel. En quelques mois, elle connaît une évolution spirituelle forte. Sur les conseils de Spier, elle se met à l’écoute de ce qu’il y a au-dedans d’elle-même et trouve peu à peu le contact « avec ce qu’il y a de plus profond et de meilleur en elle », qu’elle appelle Dieu. La confiance en ce Dieu à l’intérieur d’elle lui donne la force d’affronter la vie et la remplit d’un amour universel. Elle acquiert aussi la conviction que la situation tragique à laquelle elle fait face n’est pas de la responsabilité de Dieu mais des êtres humains qui, seuls, peuvent changer le cours des événements. Elle va dès lors s’efforcer de mettre à jour Dieu dans le cœur des autres.

Dans ses écrits, elle développe une conception originale de Dieu, détachée de tout dogme religieux. Son Dieu est un Dieu de l’intériorité, qui se découvre par une écoute au-dedans de soi. Ce Dieu laisse l’être humain libre, ne le contraint à rien et dépend entièrement de lui pour agir dans le monde.

Elle est ainsi pionnière d’une idée qui connaîtra d’importants développements plus tard : l’idée de faiblesse de Dieu. « Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi, mais je ne puis rien garantir d’avance. Une chose cependant m’apparaît de plus en plus claire : ce n’est pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons t’aider – et, ce faisant, nous nous aidons nous-mêmes. C’est tout ce qu’il nous est possible de sauver en cette époque et c’est aussi la seule chose qui compte : un peu de toi en nous, mon Dieu. » (Journal, 12 juillet 1942).

Indications de lecture pour aborder l’auteur

Les écrits d’Etty Hillesum. Journaux et lettres, 1941-1943, édition intégrale, Paris, Seuil, 2008

De cendres et d’amour. Portrait d’Etty Hillesum. Amsterdam, Westerbork, Auschwitz, par Ingmar Granstedt, Paris, Lethielleux, Groupe DBB, 2011

Etty Hillesum, par Sylvie Germain, Paris, Éditions Pygmalion/Gérard Watelet, 1999

by Sarah Nicolet

Simone Weil

28 dimanche Juin 2015

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Biographie, mystique, Simone Weil

Simone Weil est née à Paris, en 1909, dans une famille juive distanciée à l’égard du religieux et entièrement assimilée à la culture française. Durant ses études, elle fait la rencontre marquante du philosophe Alain. À 22 ans, elle est reçue à l’agrégation. Commence alors une existence de professeur, doublée d’un militantisme d’extrême-gauche très centré sur le syndicalisme. Elle vit une expérience religieuse intense dans les dernières années de son existence. Minée à la fois par une santé fragile (elle est affectée dès 23 ans de graves migraines) et la fatigue du rythme de vie qusimone-weil’elle s’impose, elle meurt de tuberculose et d’inanition le 23 août 1943, à 34 ans.

Sa brève existence a été marquée par d’importants engagements. Elle demande en 1935 un congé de l’enseignement pour vivre une expérience d’immersion en usine. Ouvrière dans différentes firmes de mécanique, elle atteint les limites de l’épuisement et doit renoncer, après 9 mois, à continuer. Après un peu de repos, elle s’engage dans la guerre d’Espagne où elle se blesse accidentellement. Une expérience mystique commence en 1938 et s’approfondit les années suivantes. La question se pose d’une conversion au catholicisme – qui n’aura pas lieu. En 1940, elle doit fuir Paris avec sa famille. En 1943, elle est en Angleterre avec le projet d’être parachutée en France pour une mission dans la résistance active. On la lui refuse.

Si l’on considère sa pensée, Simone Weil est d’abord une philosophe du travail et de l’action sociale et politique. Mais sur la fin de sa courte vie, elle écrit des textes qui reflètent son expérience mystique très radicale (L’amour de Dieu et le malheur, Formes de l’amour implicite de Dieu, des fragments aussi qui seront regroupés sous le titre La Pesanteur et la Grâce,…). Elle développe une théorie de l’attention qui lui permet de comprendre que Dieu se manifeste à travers le malheur même. Sa philosophie religieuse accorde une très grande importance à la réalité de la Croix. Elle propose le concept de « décréation » en vue de suggérer que le moi et la force pleine de convoitise qu’il affirme doit laisser place, en se retirant sans être anéanti, à la présence gracieuse de Dieu, révélatrice de la beauté du monde, monde qui n’a pas à être consommé mais au contraire contemplé à la lumière de la présence divine. La beauté est chez elle d’une importance capitale.

« Toutes les choses que je vois, entends, respire, touche, mange, tous les êtres que je rencontre, je prive tout cela du contact avec Dieu, et je prive Dieu du contact avec tout cela dans la mesure où quelque chose en moi dit je » (La Pesanteur et la Grâce). Quiconque lit Simone Weil, ses textes politiques et sociaux ou ses textes religieux, est marqué par la puissance avec laquelle elle opère une sorte de mise à nue du monde. Personnalité aussi étrange que stimulante, elle ne saurait faire école ou être imitée. Elle indique cependant des voies suggestives pour des sociétés obsédées par la consommation du monde et par l’affirmation du moi.

Indications de lecture pour aborder l’auteur

  • Œuvres, Paris, Gallimard, 1999 [en 1 vol. de 1276 p. qui contient les textes essentiels de S. Weil ; il peut être intéressant d’aborder l’œuvre mystique à partir du texte « Formes de l’amour implicite de Dieu »]
  • La vie de Simone Weil, par Simone Pétrement, Paris, Fayard, 1973 (réédité en 1 vol.)
  • Domenico Canciani, L’intelligence et l’amour. Réflexion religieuse et expérience mystique chez Simone Weil, Paris, Beauchesne, 2000

by Ghislain Waterlot

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