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Modernisme, mystique, philosophie, Religion, Université, XXe siècle
Giacomo Losito, enseignant et chercheur associé aux Archives Maurice Blondel de l’Université Catholique de Louvain, est un spécialiste de la « crise moderniste ». Docteur en Philosophie de l’Université Federico II de Naples et en Histoire des religions de l’université Paris IV, il a été chercheur à la Faculté de Théologie de la « J. W. Goethe » Université de Francfort-sur-le-Main. Ses travaux portent sur Loisy, Blondel, Laberthonnière et sur Buonaiuti. Il est l’auteur de Cristianesimo e modernità. Studio sulla formazione del personalismo di Laberthonnière (Città del sole, Naples 1999) ; Dio s-oggetto della storia. Loisy, Blondel, Laberthonnière (Loffredo, Naples 2014) et, avec Claus Arnold, il a édité les documents romains relatifs à la mise à l’Index des œuvres d’Alfred Loisy en 1903 et à la préparation du décret Lamentabili du Saint Office.
Quelle définition donneriez-vous du mot « mystique » ?
Je dirais que la mystique est l’expérience personnelle de la religion, un vécu individuel, mûri au quotidien et objectivé en relation créative avec des traditions et des institutions. Évidemment, je réponds là à partir du point de vue des études que j’ai conduites sur la crise moderniste du début du XXe siècle.
À propos de la parution du volume Modernisme, mystique, mysticisme (Champion, coll. « Mystica », 2017) que vous avez co-dirigé avec Charles Talar: pourriez-vous nous parler de cette aventure éditoriale ?
Elle a été rendue possible par la rencontre, en 2010 à un colloque organisé à Rome par l’Academia belgica, de François Trémolières, acteur du renouveau des études bremondiennes, qui venait de prendre la direction de la collection « Mystica » chez Honoré Champion, de Charles Talar, spécialiste nord-américain de la crise moderniste, qui venait de prouver l’intérêt pour la mystique chez les modernistes par l’édition de Modernists & Mystics (CUP, Washington 2009) et de moi-même, pouvant attester que même les modernistes italiens s’étaient intéressés à la mystique et que cela a déjà fait l’objet de travaux savants remarquables. Sollicités par François Trémolières, Charles Talar et moi avons procédé à la traduction en Français de quelques essais, dont un texte contenu dans le volume américain de 2009, et avons contacté plusieurs grands spécialistes de différents pays, dont le regretté Otto Weiss, pour obtenir leurs contributions.
D’après le titre, cet ouvrage opère une distinction entre « Mystique » et « Mysticisme », deux termes souvent confondus. Pourriez-vous nous dire quelques mots sur ce sujet ?
Il faut d’abord observer que si dans plusieurs contextes culturels et linguistiques cette distinction est plus ou moins pertinente, dans le monde anglophone un seul mot, « mysticism », couvre le champ sémantique partagé ailleurs entre les deux termes en question. Puis, je dirais qu’il faut tenir compte du fait que vers la fin de la première moitié du XIXe siècle, le mot « mysticisme » fut utilisé en France par Victor Cousin dans un but polémique à l’égard de la philosophie du dernier Maine de Biran, comme une philosophie qui détruit la subjectivité vis-à-vis du surnaturel et, surtout, que c’est parmi les catholiques qu’on a opposé la « mystique » au « mysticisme », en présentant la première comme une expérience spirituelle authentique, certifiée par le chrisme de l’orthodoxie et le second comme un individualisme religieux fourvoyé.
Quelle est à votre avis l’actualité de l’étude de la mystique ou d’une réflexion sur la « mystique » dans le monde contemporain ?
Il me semble que pour expliquer le développement des intérêts pour la mystique, il faut tenir compte de la progressive individualisation de l’expérience religieuse dans le monde contemporain, largement attestée par les études récentes de sociologie de la religion. Je dirais aussi que l’étude de la mystique permet de réfléchir sur l’expérience spirituelle, sur ses itinéraires et même sur ses dérives dans le monde contemporain.
Quelle place donner aujourd’hui à l’étude de la mystique, ou à une réflexion sur la « mystique », au sein des Universités ?
En effet, je constate une grande effervescence d’études, de colloques et de publications autour de la mystique, ainsi que la juste reprise d’intérêts en France et ailleurs pour l’œuvre d’un maître hors classe comme Michel de Certeau, mais j’occupe une place périphérique par rapport au monde académique pour pouvoir vraiment répondre à cette question.
Pour ceux qui souhaitent aller plus loin: quelques conseils bibliographiques concernant les thèmes abordés dans le volume.
Plusieurs et très variés sont les domaines d’étude abordés dans Modernisme, mystique, mysticisme, les notes de bas de page, l’index onomastique et l’annexe bibliographique du volume en témoignent. En me limitant à évoquer ici un classique, dont la lecture serait utile à comprendre quel sens prenait la religion dans la perspective de l’un des protagonistes de la crise moderniste, dont les œuvres ont constitué un terme de confrontation important pour plusieurs personnalités intéressées à la mystique dans ce contexte culturel là, je me limiterai à renvoyer à Le Réalisme chrétien et l’idéalisme grec de Lucien Laberthonnière.
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