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Sophie HOUDARD, professeure de littérature française du XVIIe siècle, Université Sorbonne nouvelle-Paris 3. Spécialiste de littérature religieuse (mystique, athéisme, sorcellerie, etc.) à l’époque moderne, co-responsable du séminaire du GRIHL ( Paris 3/ EHESS)- Groupe de recherche interdisciplinaire sur l’histoire du littéraire. Parmi ses publications : Les sciences du diable. Trois discours sur la sorcellerie ( XVe-XVIIe), Paris, Cerf, 1992 ; introduction au vol. 1 de la réédition de L’Histoire littéraire du sentiment religieux de Henri Bremond (François Trémolières, dir.), Grenoble, Jérôme Millon, 2006 ; Les Invasions mystiques Spiritualités, hétérodoxies et censures à l’époque moderne, Paris, Les Belles Lettres, 2008. Un CV complet est disponible ici.
- Quelle définition donneriez-vous du mot « mystique » ?
Le mot de « mystique » (adjectif ou substantif) a une histoire longue, Michel de Certeau en a retracé le tournant moderne dans un article fondamental et fondateur pour les études sur ce sujet (« “Mystique“ au XVIIe siècle, Le problème du langage mystique », dans L’homme devant Dieu. Mélanges offerts au père Henri de Lubac, Paris, Aubier, 1964, t .2, p. 267-291). A cette histoire capitale de l’invention d’une « science » et au recours à l’expérience, dans le champ de la théologie et de la spiritualité, j’ajouterai que pour les textes que j’ai travaillés, c’est justement l’usage du mot de « mystique » qui a retenu mon attention : au fond, est « mystique » ce qui est déclaré comme tel, de manière positive ou négative. « Mystique » ne va jamais de soi, il est fondamentalement polémique, et c’est cet usage dont j’ai suivi un certain nombre d’effets, dans l’ouvrage paru aux Belles Lettres en 2008.
2) Pourquoi avez-vous choisi ce champ d’études ?
Mes premiers champs de recherche ont porté sur la sorcellerie, la démonologie. C’était à la fin des années 80, un domaine encore peu fréquenté, les littéraires ne s’y aventuraient pas. Les écrits de Bodin, Boguet, Pierre de Lancre sont pourtant une source (politique, philosophique, poétique) importante de la première modernité. Ce territoire démoniaque que circonscrivent les écrits littéraires (de manière sérieuse ou critique), l’anthropologie qui s’y dessine et qu’on a tendance à rapporter exclusivement au modèle cartésien, les pratiques et les idées religieuses, magiques, m’ont semblé négligés à tort. Peu à peu cela m’a amené à vérifier ce « rendez-vous » dont parlait Michel de Certeau entre les spirituels et le théâtre de la possession, à Loudun bien sûr, mais aussi sur des scènes moins fréquentées et pourtant très importantes, dès le XVIe siècle, comme à Mons, et au XVIIe siècle à Aix-en-Provence et Nancy. Le théâtre de la prédication démoniaque, le rôle d’une spiritualité où l’esprit et les esprits parlent et provoquent le public constituent un travail en cours que je voudrais achever.
3) Les figures mystiques et/ou ouvrages mystiques qui ont marqué votre activité de recherche et votre parcours intellectuel et/ou personnel ?
Les ouvrages de Jean-Joseph Surin, les écrits de Jean de Labadie ( Lire Jean de Labadie, un travail collectif auquel j’ai participé comme organisatrice, Classiques Garnier, à paraître en juin 2016). Pour ne citer que deux des plus importants à mes yeux, mais c’est sans compter la pléiade d’auteurs et de figures qui me sont chères.
4) Quelle est à votre avis l’actualité de l’étude de la mystique ou d’une réflexion sur la « mystique » dans le monde contemporain ?
Elle est sûrement importante, encore faudrait-il être d’accord avec ce qu’on entend par là. Je n’en suis pas spécialiste.
5) Quelle place donner aujourd’hui à l’étude de la mystique au sein des Universités et des centres de recherche ?
Je ne prétends pas donner une place singulière à cet objet. Je l’étudie dans le cadre de séminaires d’histoire et de littérature du XVIIe siècle, comme le Grihl ou EmODir ( voir par exemple, l’atelier trilatéral Villa Vigoni que nous avons obtenu avec Adelisa Malena (Venise) et Xenia von Tippelskirch (Berlin) sur la Dissidence et le radicalisme religieux européens, 2014-2016).
6) Quel(s) ouvrage(s) « mystique(s) » conseillez-vous à tous ceux qui souhaitent découvrir ce genre littéraire ?
Il s’agit d’habitude de doctorants, je leur donne donc à lire la bibliographie qui correspond à leur domaine et peu à peu leur champ d’étude s’approfondit et se complète. Il n’y a pas de bibliographie standard, mais toujours un choix situé.
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