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Née probablement à Valenciennes vers 1250, Marguerite Porete fut condamnée pour hérésie et brûlée vive en place de Grève à Paris le 1 er juin 1310. Nous vous proposons ici quelque extraits tirés du Miroir des âmes simples et anéanties, véritable chef-d’œuvre de la littérature mystique médiévale :
La parfaite liberté ne connaît pas de « pourquoi » (Le miroir des âmes simples et anéanties)
« Maintenant, Raison, écoutez, pour mieux comprendre ce que vous avez demandé ! Celui qui brûle n’a pas froid, et celui qui se noie n’a pas soif. Or cette âme est si brûlante en la fournaise du feu d’amour, qu’elle est devenue feu, à proprement parler, si bien qu’elle ne sent pas le feu, puisqu’elle est feu en elle –même par la force d’Amour qui l’a transformée en feu d’amour ». (ch. 25)
L’âme : « Oui, très doux Amour pur et divin, quelle douce transformation que d’être transformée en ce que j’aime mieux que moi-même ! Et je suis si transformée que j’en ai perdu mon nom pour aimer, moi qui puis si peu aimer : c’est en Amour que je suis transformée, car je n’aime personne d’autre qu’Amour » (ch. 28)
L’âme : « Oui, Amour, la sagesse de ce qui est dit m’a réduite à rien, et ce seul néant m’a plongée en un abîme plus insondable que ce qui est moins que rien. Et la connaissance de mon néant m’a donné le tout, et le néant de ce tout m’a enlevé oraison et prière, et je ne prie plus pour rien.
Je me repose en paix complètement, seule, réduite à rien, toute à la courtoisie de la seule bonté de Dieu, sans qu’un seul vouloir me fasse bouger, quelle qu’en soit la richesse. L’accomplissement de mon œuvre, c’est de toujours ne rien vouloir. Car pour autant que je ne veux rien, je suis seule en lui, sans moi, et toute libérée ; alors qu’en voulant quelque chose, je suis avec moi, et je perds ainsi ma liberté. Et si je ne veux rien, si j’ai tout perdu hors de mon vouloir, il ne me manque rien : libre est ma conduite, et je ne veux rien de personne » (ch. 51).
« Elle ne savait pas, lorsqu’elle le cherchait, que Dieu est tout entier partout ; sinon elle ne l’aurait pas cherché » (ch. 93).
(Marguerite Porete, Le miroir des âmes simples et anéanties, éd. et trad. fr. de Max Huot de Longchamp, Albin Michel, Paris, 1997).
[n.d.r : Nous tenons à rappeler que l’identification de Marguerite Porete comme auteur du Miroir est une découverte historiographique assez récente qui remonte à 1946, grâce à l’historienne italienne Romana Guarnieri (1913-2003) ]