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« Les plus larges fleuves s’engouffrent en moi, les plus hautes montagnes se dressent en moi. Derrière les broussailles entremêlées de mes angoisses et de mes désarrois s’étendent les vastes plaines, le plat pays de ma paix et de mon bienheureux abandon. Je porte en moi tous les paysages. J’ai tout l’espace voulu. Je porte en moi la terre et je porte le ciel. Et que l’enfer soit une invention des hommes m’apparaît avec une évidence totale. » [8 octobre 1942]
« Il faut oublier des mots comme Dieu, la Mort, la Souffrance, l’Eternité. Il faut devenir aussi simple et aussi muet que le blé qui pousse ou la pluie qui tombe. Il faut se contenter d’être »
[9 juillet 1942].
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« De fait, ma vie n’est qu’une perpétuelle écoute « au-dedans » de moi-même, des autres, de Dieu. Et quand je dis que j’écoute « au-dedans », en réalité c’est plutôt Dieu en moi qui est à l’écoute. Ce qu’il y a de plus essentiel et de plus profond en moi écoute l’essence et la profondeur de l’autre. Dieu écoute Dieu. » [17 septembre 1942]
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(Passages tirés du journal d’Etty Hillesum. Cfr. Les écrits d’Etty Hillesum, Journaux et lettres, 1941-1943, édition intégrale, Paris, Seuil, 2008).
Samuel J. a dit:
L’enfer comme invention des hommes : comme fruit de leur manque pour leurs frères ; « l’amour ne condamne personne, ne peut oublier personne », disait St Silouane.
Les mots (et les concepts, donc) à oublier pour enfin vivre, vivre la réalité dans sa simplicité limpide et sa profondeur incommensurable : les concepts et les dogmes divisent les hommes et appauvrissent notre perception et notre jouissance du réel ; l’expérience, accueillie sans jugement, vécue dans la recherche de la vérité – et de la vérité absolue, ultime (faudrait-il passer par le désespoir pour la rencontrer) -, l’expérience ainsi accueillie et vécue conduit à la « vie absolue », selon une expression du philosophe Michel Henry, dont témoigne les grands mystiques, sages et poètes de l’histoire humaine.